[n° ou bulletin] est un bulletin de
Titre : |
731 - Mars 2017 - Musiques de film |
Type de document : |
texte imprimé |
Année de publication : |
2017 |
Importance : |
94 p. |
Présentation : |
ill. en coul. |
Note générale : |
l y a trois ans notre couverture d’été réclamait « De la lumière ! » et les Cahiers allaient à la rencontre des chefs opérateurs. Pour ce numéro de mars, de la musique avant toute chose, et place aux compositeurs. Pourquoi ? Parce que l’effet Tarantino de la BO jukebox s’est émoussé et qu’on vit aujourd’hui un regain de la musique originale. L’évolution du travail de Cliff Martinez et Nicolas Winding Refn est symptomatique, depuis la compilation brillante de Drive, où la musique lie les morceaux préexistants, jusqu’à celle, magistrale, pour The Neon Demon, dégageant la musique dans toute sa netteté et sa démence. Cela ne veut pas dire qu’une musique originale est forcément préférable. Contre-exemple absolu, notre film préféré de 2016, Toni Erdmann, est un film sans musique, seulement ponctué par deux chansons in extenso, la reprise de Whitney Houston par l’héroïne et Plainsong des Cure tombant comme un rideau au générique final. Mais la dominante de ces dernières années, c’est bien plutôt le champ régénéré de la musique originale, faite pour le film, tant des BO spectaculaires sont apparues, souvent signées par des transfuges du rock, de la pop ou de l’électro pour donner une vigueur nouvelle aux films : Jonny Greenwood (Radiohead) pour Paul Thomas Anderson, Mica Levi (Micachu) pour Under the Skin et Jackie.
L’enjeu est essentiel pour les jeunes cinéastes français. Il y a eu un effet French Touch à la fin des années 2000, porté par le succès de la musique électronique française. Le cinéma de Quentin Dupieux (accompagné aussi de Sébastien Tellier, de Sebastian ou de Tahiti Boy) a été le détonateur, suivi par Flairs (Les Beaux Gosses), Rob (Belle épine), M83 (Les Rencontres d’après minuit) : en 2010, nous notions ce compagnonnage inédit et passionnant entre musiciens électro et cinéastes qui n’est allé qu’en s’accentuant. Partout il y a cette envie de musique originale avec des croisements inattendus qui nous éloignent des sempiternelles notes de piano qu’on entendait tant il y a dix ans : Eva Husson est allée chercher l’Américaine Morgan Kibby (Bang Gang), Sophie Letourneur le Coréen Jeong Yong-jin (Gaby Baby Doll), Julia Ducournau l’Anglais Jim Williams (Grave). Avec ce renouveau revient le goût du thème, du motif, de la ritournelle, après des années où dominait une musique dite d’accompagnement, en retrait. Nous avons rencontré trois musiciens expérimentateurs : Olivier Marguerit, qui a créé le motif récent le plus entêtant (Diamant noir, une ritournelle rappelant le Maurice Jarre des Yeux sans visage), Rob, qui alterne entre France et Amérique, et Jean-Benoît Dunckel (Summer, Swagger), qui prolonge en solo la musique contemplative de Air.
Composition, le mot nous plaît aussi parce qu’il excède la musique elle-même. Chaque film impose sa composition visuelle, narrative et musicale. Parfois la musique précède l’image comme la dissonance sur l’écran noir de Jackie qui donne le « la » et nous fait descendre dans le film ; mais la richesse du film de Pablo Larraín est aussi de contrebalancer l’écriture de Levi par un extrait enjoué de la comédie musicale Camelot : une composition musicale est un montage. Parfois le film se fait opératique, comme entièrement pris dans la musique (The Neon Demon). Parfois, à l’inverse, la musique se fond dans l’image, c’est le miracle de la scène d’amour de Summer d’Alanté Kavaïté, créant un complexe sonore, fait de soupirs, d’un crescendo et du chant timide d’un oiseau niché dans la texture – images, corps, sons deviennent indémêlables. Chaque musique doit trouver sa place, sa hauteur, sa fréquence, ce que seul le cinéaste peut décider. Par exemple l’usage parcimonieux de la musique par Hong Sang-soo comme ponctuation discrète n’en est pas moins remarquable. La « composition », c’est donc autant l’invention d’une musique par un artiste que le montage auquel il se plie, avec les images, le récit, les sons, mais aussi d’autres thèmes et motifs, ceux du cinéaste. Composer, en français, c’est aussi « faire avec ». C’est la belle impureté de la musique de film qui obéit à un agencement : la composition de deux artistes, le montage, la collaboration entre un musicien et un cinéaste qui partagent leur vision. |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
Education aux médias:Revues:Cahiers du Cinéma
|
Note de contenu : |
Éditorial
Composer pour le cinéma par Stéphane Delorme
Événement
Musiques de film
Un monde en soi par Thierry Jousse
La musique au premier plan entretien avec Cliff Martinez – par Thierry Méranger
Mica Levi, Math and Meat par Cyril Béghin
Les images ne mentent pas entretien avec Ryuichi Sakamoto – par Nicholas Elliott
Musique paysage entretien avec David Wingo – par Joachim Lepastier
Hong Sang-soo et Jeong Yong-jin, en miroir par Vincent Malausa
Une voix à l’intérieur du film entretien avec Olivier Maguerit – par Florence Maillard
Une musique remarquable entretien avec Rob – par Laura Tuillier
Romantisme planant Jean-Benoît Dunckel – par Jean-Sébastien Chauvin
John Williams, compositeur d’émotions par Chloé Huvet
Moments musicaux
The Neon Demon (Nicolas Winding Refn / Cliff Martinez)
Ce sentiment de l’été (Mikhaël Hers / Tahiti Boy)
Carol (Todd Haynes / Carter Burwell)
Queen of Earth (Alex Ross Perry / Keegan DeWitt)
Brooklyn Village (Ira Sachs / Dickon Hinchliffe)
The Fits (Anna Rose Holmer / Danny Bensi & Saunder Jurriaans)
Cahier critique
La Cité perdue de Z de James Gray – par Jean-Sébastien Chauvin
Une approche tendre et généreuse entretien avec James Gray – par Jean-Philippe Tessé
Félicité d’Alain Gomis – par Jean-Philippe Tessé
Le blues de Kinshasa entretien avec Alain Gomis – par Stéphane Delorme & Jean-Philippe Tessé
Jours de France de Jérôme Reybaud – par Joachim Lepastier
Grave de Julia Ducournau – par Stéphane du Mesnildot
La morale des cannibales entretien avec Julia Ducournau – par Stéphane du Mesnildot
Notes sur d’autres films 20th Century Women (Mike Mills) – L’Autre Côté de l’espoir (Aki Kaurismäki) – Bienvenue à Madagascar (Franssou Prenant) – Citoyen d’honneur (Mariano Cohn & Gastón Duprat) – Orpheline (Arnaud des Pallières) – Patients (Grand Corps Malade & Mehdi Idir) – Pris de court (Emmanuelle Cuau) – Le Secret de la chambre noire (Kiyoshi Kurosawa) – Tombé du ciel (Wissam Charaf) – Traque à Boston (Peter Berg) – Wrong Elements (Jonathan Littell) – Zoologie (Ivan I. Tverdovsky)
Journal
Exploitation Le petit vingtième du Nova
Festival Manosque, en signe de traces et d’amitié
Premier pas Jérôme Reybaud, fraternités
Portrait Garance Marillier rayonne
Lettre des Philippines Peque Gallaga, toujours vif
Ciné-club Tel-Aviv, Rive gauche
Activités culturelles La Règle du jeu, mise en scène de Christiane Jatahy / Les Indes Galantes de Salut c’est cool / Motion Picture de Lucy Guerin
Livre The Freak de Pierre Smolik : Chaplin, dernier envol
Livre Bernard Herrmann, un génie de la musique de film de Vincent Haegele : Le sens du passé
DVD Suzan Pitt, pépites
DVD La trilogie de la guerre de Roberto Rossellini
DVD L’Esprit de Caïn de Brian De Palma
Festival Berlin, états critiques
News internationales
Disparitions Emmanuelle Riva, John Hurt, Luce Vigo
Répliques
Retour sur Les Derniers Parisiens par Nicole Brenez
Le nouveau souffle des cinémas indépendants européens par Mikael Arnal et Agnès Salson
Tournage
Karim Moussaoui
L’envol : un tournage en Algérie par Laura Tuillier
Cinéma retrouvé
Walerian Borowczyk
L’étrange cas du docteur Boro par Paola Raiman
Josef von Sternberg
La pensée Sternberg par Jean Douchet
BD
Misfits par Luz |
[n° ou bulletin] est un bulletin de
731 - Mars 2017 - Musiques de film [texte imprimé] . - 2017 . - 94 p. : ill. en coul. l y a trois ans notre couverture d’été réclamait « De la lumière ! » et les Cahiers allaient à la rencontre des chefs opérateurs. Pour ce numéro de mars, de la musique avant toute chose, et place aux compositeurs. Pourquoi ? Parce que l’effet Tarantino de la BO jukebox s’est émoussé et qu’on vit aujourd’hui un regain de la musique originale. L’évolution du travail de Cliff Martinez et Nicolas Winding Refn est symptomatique, depuis la compilation brillante de Drive, où la musique lie les morceaux préexistants, jusqu’à celle, magistrale, pour The Neon Demon, dégageant la musique dans toute sa netteté et sa démence. Cela ne veut pas dire qu’une musique originale est forcément préférable. Contre-exemple absolu, notre film préféré de 2016, Toni Erdmann, est un film sans musique, seulement ponctué par deux chansons in extenso, la reprise de Whitney Houston par l’héroïne et Plainsong des Cure tombant comme un rideau au générique final. Mais la dominante de ces dernières années, c’est bien plutôt le champ régénéré de la musique originale, faite pour le film, tant des BO spectaculaires sont apparues, souvent signées par des transfuges du rock, de la pop ou de l’électro pour donner une vigueur nouvelle aux films : Jonny Greenwood (Radiohead) pour Paul Thomas Anderson, Mica Levi (Micachu) pour Under the Skin et Jackie.
L’enjeu est essentiel pour les jeunes cinéastes français. Il y a eu un effet French Touch à la fin des années 2000, porté par le succès de la musique électronique française. Le cinéma de Quentin Dupieux (accompagné aussi de Sébastien Tellier, de Sebastian ou de Tahiti Boy) a été le détonateur, suivi par Flairs (Les Beaux Gosses), Rob (Belle épine), M83 (Les Rencontres d’après minuit) : en 2010, nous notions ce compagnonnage inédit et passionnant entre musiciens électro et cinéastes qui n’est allé qu’en s’accentuant. Partout il y a cette envie de musique originale avec des croisements inattendus qui nous éloignent des sempiternelles notes de piano qu’on entendait tant il y a dix ans : Eva Husson est allée chercher l’Américaine Morgan Kibby (Bang Gang), Sophie Letourneur le Coréen Jeong Yong-jin (Gaby Baby Doll), Julia Ducournau l’Anglais Jim Williams (Grave). Avec ce renouveau revient le goût du thème, du motif, de la ritournelle, après des années où dominait une musique dite d’accompagnement, en retrait. Nous avons rencontré trois musiciens expérimentateurs : Olivier Marguerit, qui a créé le motif récent le plus entêtant (Diamant noir, une ritournelle rappelant le Maurice Jarre des Yeux sans visage), Rob, qui alterne entre France et Amérique, et Jean-Benoît Dunckel (Summer, Swagger), qui prolonge en solo la musique contemplative de Air.
Composition, le mot nous plaît aussi parce qu’il excède la musique elle-même. Chaque film impose sa composition visuelle, narrative et musicale. Parfois la musique précède l’image comme la dissonance sur l’écran noir de Jackie qui donne le « la » et nous fait descendre dans le film ; mais la richesse du film de Pablo Larraín est aussi de contrebalancer l’écriture de Levi par un extrait enjoué de la comédie musicale Camelot : une composition musicale est un montage. Parfois le film se fait opératique, comme entièrement pris dans la musique (The Neon Demon). Parfois, à l’inverse, la musique se fond dans l’image, c’est le miracle de la scène d’amour de Summer d’Alanté Kavaïté, créant un complexe sonore, fait de soupirs, d’un crescendo et du chant timide d’un oiseau niché dans la texture – images, corps, sons deviennent indémêlables. Chaque musique doit trouver sa place, sa hauteur, sa fréquence, ce que seul le cinéaste peut décider. Par exemple l’usage parcimonieux de la musique par Hong Sang-soo comme ponctuation discrète n’en est pas moins remarquable. La « composition », c’est donc autant l’invention d’une musique par un artiste que le montage auquel il se plie, avec les images, le récit, les sons, mais aussi d’autres thèmes et motifs, ceux du cinéaste. Composer, en français, c’est aussi « faire avec ». C’est la belle impureté de la musique de film qui obéit à un agencement : la composition de deux artistes, le montage, la collaboration entre un musicien et un cinéaste qui partagent leur vision. Langues : Français ( fre)
Catégories : |
Education aux médias:Revues:Cahiers du Cinéma
|
Note de contenu : |
Éditorial
Composer pour le cinéma par Stéphane Delorme
Événement
Musiques de film
Un monde en soi par Thierry Jousse
La musique au premier plan entretien avec Cliff Martinez – par Thierry Méranger
Mica Levi, Math and Meat par Cyril Béghin
Les images ne mentent pas entretien avec Ryuichi Sakamoto – par Nicholas Elliott
Musique paysage entretien avec David Wingo – par Joachim Lepastier
Hong Sang-soo et Jeong Yong-jin, en miroir par Vincent Malausa
Une voix à l’intérieur du film entretien avec Olivier Maguerit – par Florence Maillard
Une musique remarquable entretien avec Rob – par Laura Tuillier
Romantisme planant Jean-Benoît Dunckel – par Jean-Sébastien Chauvin
John Williams, compositeur d’émotions par Chloé Huvet
Moments musicaux
The Neon Demon (Nicolas Winding Refn / Cliff Martinez)
Ce sentiment de l’été (Mikhaël Hers / Tahiti Boy)
Carol (Todd Haynes / Carter Burwell)
Queen of Earth (Alex Ross Perry / Keegan DeWitt)
Brooklyn Village (Ira Sachs / Dickon Hinchliffe)
The Fits (Anna Rose Holmer / Danny Bensi & Saunder Jurriaans)
Cahier critique
La Cité perdue de Z de James Gray – par Jean-Sébastien Chauvin
Une approche tendre et généreuse entretien avec James Gray – par Jean-Philippe Tessé
Félicité d’Alain Gomis – par Jean-Philippe Tessé
Le blues de Kinshasa entretien avec Alain Gomis – par Stéphane Delorme & Jean-Philippe Tessé
Jours de France de Jérôme Reybaud – par Joachim Lepastier
Grave de Julia Ducournau – par Stéphane du Mesnildot
La morale des cannibales entretien avec Julia Ducournau – par Stéphane du Mesnildot
Notes sur d’autres films 20th Century Women (Mike Mills) – L’Autre Côté de l’espoir (Aki Kaurismäki) – Bienvenue à Madagascar (Franssou Prenant) – Citoyen d’honneur (Mariano Cohn & Gastón Duprat) – Orpheline (Arnaud des Pallières) – Patients (Grand Corps Malade & Mehdi Idir) – Pris de court (Emmanuelle Cuau) – Le Secret de la chambre noire (Kiyoshi Kurosawa) – Tombé du ciel (Wissam Charaf) – Traque à Boston (Peter Berg) – Wrong Elements (Jonathan Littell) – Zoologie (Ivan I. Tverdovsky)
Journal
Exploitation Le petit vingtième du Nova
Festival Manosque, en signe de traces et d’amitié
Premier pas Jérôme Reybaud, fraternités
Portrait Garance Marillier rayonne
Lettre des Philippines Peque Gallaga, toujours vif
Ciné-club Tel-Aviv, Rive gauche
Activités culturelles La Règle du jeu, mise en scène de Christiane Jatahy / Les Indes Galantes de Salut c’est cool / Motion Picture de Lucy Guerin
Livre The Freak de Pierre Smolik : Chaplin, dernier envol
Livre Bernard Herrmann, un génie de la musique de film de Vincent Haegele : Le sens du passé
DVD Suzan Pitt, pépites
DVD La trilogie de la guerre de Roberto Rossellini
DVD L’Esprit de Caïn de Brian De Palma
Festival Berlin, états critiques
News internationales
Disparitions Emmanuelle Riva, John Hurt, Luce Vigo
Répliques
Retour sur Les Derniers Parisiens par Nicole Brenez
Le nouveau souffle des cinémas indépendants européens par Mikael Arnal et Agnès Salson
Tournage
Karim Moussaoui
L’envol : un tournage en Algérie par Laura Tuillier
Cinéma retrouvé
Walerian Borowczyk
L’étrange cas du docteur Boro par Paola Raiman
Josef von Sternberg
La pensée Sternberg par Jean Douchet
BD
Misfits par Luz |
|